Avec une dépendance quasi-totale au pétrole et une forte hausse du besoin de mobilité, le secteur des transports pourrait représenter le premier risque à court terme pour les sociétés modernes. L’organisation mondialisée des échanges et la réduction des temps de parcours ont provoqué un éclatement géographique des familles, un allongement des distances domicile-travail et une organisation logistique très complexe. En un siècle, la mobilité a remplacé l’accessibilité des biens et des services, obligeant les nombreux citoyens qui n’habitent pas des grandes agglomérations à posséder une voiture.
En l’absence d’une technologie permettant de remplacer le pétrole en quantité, prix, réseau de distribution et facilité d’usage, l’urgence consiste à remettre l’accessibilité au cœur des politiques d’aménagement du territoire pour réduire la demande de mobilité, sans perdre en confort et en qualité de vie.
Actuellement, plus de 95 % des transports dépendent du pétrole, or les mesures prises concernent uniquement les problèmes de congestion du trafic ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre, jamais le risque de pénurie où la contraction économique. C'est le cas notamment pour les grands projets d’infrastructures tels que les aéroports, contournements routiers ou autoroutes. Désormais, deux tiers des déplacements personnels se font en voiture, et il est très compliqué de ne pas en avoir en dehors des grandes agglomérations.
Pour toutes ces raisons, il me semble essentiel de faire un dossier spécial sur les transports en quatre parties:
1/ Améliorer l'accessibilité
2/ Un réseau local sans pétrole
3/ Optimiser le remplissage des véhicules
4/ Diversifier les sources d'énergie et améliorer la performance des véhicules
Partie 1 - Améliorer l'accessibilité aux biens et aux services essentiels
En l’absence de solution de substitution connue pour permettre une mobilité équivalente en période de pénurie énergétique et de mutation économique, il est indispensable de mettre à la disposition des populations les moyens d’accéder, sur place, aux biens et services essentiels. Dans le cas contraire, une dégradation rapide de la santé physique et sociale des citoyens, du fonctionnement de l’économie et de la sécurité publique pourrait intervenir rapidement. Il revient donc à chaque territoire d’améliorer l’accessibilité de ses services et commerces de base.
L'exemple du Pays Sologne Val Sud
Le Pays Sologne Val Sud est un territoire plutôt rural et voisin de la ville d’Orléans (270 000 habitants). Dans un souci d’harmonisation de l’offre de services, ils ont conduit une étude en 2006 pour évaluer la répartition des équipements, des transports publics, des emplois, des services administratifs, sociaux et culturels, des commerces, etc. Après avoir mené une étude en trois phases (étude de l’offre, étude du besoin, comparaison de l’offre et de la demande de services), un plan d’action a été défini avec par exemple :
- Maintien des commerces de proximité
- Aide à la création de structures spécifiques (accueil d’associations, écoles de musique, lieux de rencontre et d’échange, etc.)
- Création de Points Information Familles pour relayer toutes les structures administratives en zones rurales
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, certaines personnes vivent aujourd’hui à plusieurs centaines de kilomètres de leur lieu de travail. Le TGV notamment a permis ces excès, avec des temps de parcours extrêmement réduits. Par exemple, pour un salarié qui quitte son travail le soir au centre de Paris, il faut le même temps -une heure- pour rejoindre la banlieue parisienne en RER (30 km), la ville d’Orléans en train (120 km) ou la ville de Tours en TGV (250 km). Cela montre que le temps de trajet est devenu bien plus important que la distance dans le choix du domicile.
Actuellement, de nombreux projets d’infrastructures ont pour objectif de réduire le temps de parcours entre les villes. Il s’agit souvent de désenclaver certains territoires pour permettre aux habitants de rejoindre quotidiennement des zones d’emplois éloignées. Cette tendance favorise l’éclatement géographique des familles, une hausse de la consommation et de la facture énergétique par les transports et un éloignement progressif des zones urbaines par les ménages souhaitant accéder à la propriété immobilière. C'est donc d'une aggravation de la situation dont il est question avec ces projets.
Pour favoriser la résilience des populations, la fracture territoriale devra être réduite, non pas grâce à un meilleur accès aux zones dont le dynamisme économique est avéré, mais en favorisant l’économie locale et en permettant aux habitants de s’ancrer et de s’investir au cœur de leur lieu de vie. Par ailleurs, cela permettra d’éviter la création de zones exclusivement résidentielles dans lesquelles les relations sociales sont réduites au minimum.
La relocalisation et la diversification de certaines activités et productions, la décentralisation de nombreux services sanitaires, culturels et sociaux ou la modification du système de distribution alimentaire devraient permettre la création d’emplois locaux et, par conséquent, offrir des pistes de transition professionnelle pour les personnes qui parcourent de longues distances chaque jour et souhaitent voir leur lieu de travail se rapprocher.
Créer une Agence Territoriale de Relocalisation (ATR)
Relocaliser représente un défi important qui nécessite l’implication et la coordination des élus, des citoyens et des entreprises du territoire. La création d’une ATR permettra de réunir et d’accompagner les dynamiques convergentes au niveau local, car relocaliser signifie construire à contre-courant du processus de globalisation. En l’absence de liens suffisants entre les acteurs d’un territoire pour permettre la construction de nouveaux objectifs communs, l’ATR pourra provisoirement remplacer ces liens en centralisant, au niveau local, les offres et les demandes de chacun.
Améliorer l'accessibilité passe par une décentralisation de tous les services essentiels. Cela signifie un nouveau dynamisme à l'échelle locale, un tissu économique plus dense et plus diversifié, le retour en zones rurales d'activités souvent disparues ou concentrées près des métropoles. Certes, c'est un défi énorme mais c'est aussi un véritable projet , or c'est probablement ce qui manque le plus dans notre pays.
Après avoir organisé une diminution progressive du besoin de mobilité, il devient possible d'envisager de trouver les réponses techniques, comportementales et énergétiques apropriées aux futurs besoins de transports.
Article inspiré de l'étude pour le Parlement Européen "Vers des territoires résilients en 2030"