Repenser notre système de transport dans un monde où le pétrole est rare et cher n’est pas une mince affaire. En 2010, environ 92,5% de l’énergie consommée pour les transports était issue du pétrole. Le reste se compose d’agro-carburants (5,3%) et d’électricité (2,2%) pour les trains. Depuis 1973, la consommation de pétrole pour les transports a presque doublé, passant de 25,3 Mtep/an à 46,3 Mtep/an.
Comme vous pouvez l’imaginer, ce que je vais proposer dans cet article va dans un sens opposé à la tendance actuelle.
Tout d’abord, il faut dire que les politiques de transport actuelles ainsi que les projets d’infrastructures tendent à décongestionner les réseaux et, au mieux, à réduire les émissions de CO2. Malheureusement, elles ne tiennent pas compte de la vulnérabilité des approvisionnements en pétrole et de la forte hausse des coûts de l’énergie.
De plus, ces politiques tendent à réduire les temps de parcours plutôt que de favoriser la réduction des distances parcourues et l’accès aux zones peu desservies. Le développement du TGV et des lignes aériennes internes, par exemple, tend à favoriser l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail ou l’éclatement géographique des familles.
Je vous propose donc une orientation que pourraient prendre les territoires afin d’améliorer la résilience du système de transport et la résilience en général face aux pénuries énergétiques à venir ! Cette orientation pourrait se faire en quatre étapes :
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Ce que l'on peut faire tout de suite, faisons-le !
- Améliorer l’accessibilité
- Diminuer la dépendance au pétrole
- Favoriser les modes doux et durables
Etape 1 : Ne pas attendre pour agir !
Comme dans tous les autres domaines de la transition, ce que l’on peut faire tout de suite,
faisons-le ! Toutes les initiatives qui permettent de diminuer notre consommation d'énergie sont bonnes à prendre.
N’attendons pas pour développer et généraliser ce qui se fait déjà sur de nombreux territoires :
- Covoiturage
- Pédibus
- auto-partage
- évènements autour du roller, du vélo …
- Associations de récupération, de réparation, de prêt et d’échange de vélo
- Etc …
Projet de pédibus à Toulouse - source: http://blog.ecole-maternelle-sarrat.fr/
Etape 2 : Améliorer l’accessibilité pour réduire le nombre et la longueur des trajets
Il serait inefficace de concevoir de nouveaux réseaux de transport avant même d’avoir
repensé l’organisation du territoire. En effet, les outils mis en place suivant les besoins actuels ne seront pas forcément efficaces dans quelques années.
La mobilité est un substitut à l’accessibilité
Le transport est une « fonction support » au fonctionnement d’une communauté. Il n’est pas un but en soit. S’il n’est pas possible de se passer complètement de transport, il est tout de même indispensable de diminuer considérablement les besoins, en améliorant l’accessibilité aux biens, aux services et aux transports collectifs. Il a été estimé qu’au-delà de 400 mètres de distance à parcourir quotidiennement, le recours à la voiture se généralise (dans les pays industrialisés).
L’accessibilité peut être améliorée par la mise en place d’un système de transport fiable pour déplacer les citoyens vers les services ou par la mise en place des services auprès des citoyens, de leur habitation. De plus, rapprocher les services des habitations permet de créer un système décentralisé, générateur d’emplois dans chaque zone. Ce système, considéré jusqu’alors comme moins rentable économiquement, le deviendra avec l’augmentation des coûts de l’énergie.
Organisation centralisée Organisation
décentralisée
Accès aux biens et services
Les choix actuels de la population se situent davantage sur d’autres critères que la distance, comme le prix ou la qualité. Une modification de l’accessibilité des services conduirait à choisir les services les plus proches.
Si les problèmes énergétiques surviennent avant qu’un plan de transport n’ait été envisagé, cela pourra conduire à la disparition de certains services pour des questions d’accessibilité. De même, il y a un risque important de continuité des services si les employés ne vivent pas à proximité.
Les centres commerciaux situés à l’extérieur des villes sont généralement fortement impactés par la hausse du prix des carburants et voient leur fréquentation baisser fortement au profit des commerces de proximité. Il est donc primordial de développer une offre de proximité car la hausse des prix est inévitable.
- Analyser les flux de personnes afin de repérer ce qui génère le plus d’utilisation de véhicules personnels. Ces flux devront être supprimés par l’utilisation d’autres moyens de transports ou la décentralisation des services.
- Tenir compte de la distance pour améliorer l’accessibilité et pas uniquement du temps de parcours. La notion de distance est primordiale dans une perspective de choc pétrolier.
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Créer un indice d’accessibilité aux services, à pied, pour les
citoyens (ex : www.walkscore.com). Cet indice pourra être utilisé pour la mise en place de nouveaux logements, de nouvelles entreprises ou de
nouveaux services. L'exemple ci-dessous montre que le Président de la République française peut accéder à presque tous ses besoins ... à pied ! (note de 90 sur 100)
Accès au lieu de travail
La distance entre lieu d’habitation et lieu de travail a fortement augmenté. Les flux de personnes sont très nombreux et donc vulnérables à une crise pétrolière.
Une forte hausse des prix du pétrole pourrait annuler l’intérêt économique de se rendre au travail pour les emplois uniquement accessible grâce à la voiture personnelle. Par ailleurs, les nouveaux véhicules individuels plus économiques restent aujourd’hui trop coûteux ou trop peu développés pour être démocratisés.
- Encourager les employeurs à partager les bâtiments tertiaires et les centres de service pour permettre aux employés de travailler à proximité de leur domicile.
- Décentraliser certains services pour rapprocher les employés, qui fournissent ces services, de leur domicile.
Il est également possible (et souhaitable) d'échanger son boulot si vous habitez loin de votre lieu de travail !
C'est ce que propose ce site internet à ceux qui passent trop de temps dans les transports.
Etape 3 : Sortir de la dépendance au pétrole
Le pétrole représente la quasi totalité de l'énergie utilisée pour les transports. C'est une énorme faiblesse de notre système et il faut absolument diversifier les équipements pour améliorer la résilience locale.
Ambulance électrique
Les véhicules dont l’usage est prioritaire (pompiers, dépannage d’urgence, police…) doivent être rapidement modifiés ou remplacés pour permettre l’utilisation d’autres types de carburant (biogaz, électricité, huile végétale …). Cette démarche devra être effectuée également, à terme, pour les transports collectifs et des véhicules en libre service (parc limité et consommation maîtrisée).
- Évaluer le besoin énergétique pour les usages prioritaires sur le territoire, afin d’améliorer l’autosuffisance locale
- Diversifier les approvisionnements énergétiques avec des ressources locales (biogaz de station d’épuration ou de déchets ménagers et agricoles, électricité d’origine renouvelable, huiles et graisses alimentaires usagées ou déclassées …
Bus équipé pour rouler au biogaz de déchets urbains.
85% du parc de bus de Lille métropole fonctionnent au biogaz
Etape 4 : Favoriser les modes de transport doux et durables
L’utilisation d’alternatives à la voiture ne pourra se développer que si l’offre est attrayante ou sous la contrainte (généralement économique). C’est pourquoi il est important de mettre en place un environnement « hostile » pour la voiture et favorable à la circulation piétonne, l'utilisation du vélo ou des transports collectifs.
- Améliorer les connexions entre les moyens de transport (porte-vélos sur les bus et dans les trains, parking à vélo sécurisés aux points de connexion, compatibilité des tickets entre les modes de transport …)
- Mettre en place des restrictions d’accès pour les voitures, en proposant des moyens de transport doux et/ou collectifs.
- Réduire le nombre de places de parking dans la ville. Il serait idéal de végétaliser ces zones.
- Organiser des évènements temporaires afin de permettre aux habitants de tester de nouvelles situations (fermeture du centre ville à la circulation, marquage temporaire des routes etc …)
Conclusion
Vous l'aurez compris, l'enjeu principal pour l'avenir des transport, c'est de pouvoir s'en passer. Le pic pétrolier va causer de gros problèmes d'approvisionnements énergétiques et le pic des autres ressources (fer, cuivre, métaux rares ...) ne nous permettra pas de renouveler le parc de véhicules mondial, quelle que soit l'énergie utilisée.
Vous aurez remarqué que je ne fais pas de scénario chiffré à l'horizon 2030 ou 2050. En effet, cela me parait complètement illusoire tant les circonstances énergétiques, économiques et climatiques futures sont imprévisibles. Je propose donc simplement des pistes à suivre localement et à mettre en oeuvre le plus vite possible.
Tout ce que nous aurons pu faire sera un peu de résilience gagnée, un peu de sérénité pour
envisager l'avenir sans pétrole.