Résilience énergétique: le problème nucléaire

18 juillet 2011

J'habite Châteauneuf-sur-Loire, petite ville de 8000 habitants en bord de Loire. Cette région magnifique est d'ailleurs classée au patrimoine mondial de l'Unesco avec la plus vieille église de France, les châteaux de la Loire, le pont-canal de Briare, Rogny les sept écluses ou encore la basilique de Saint-Benoît-sur-Loire.

Ce ne sont pas les seuls monuments dont nous disposons. En effet, nous sommes situé entre, à l'est, les centrales nucléaires de Dampierre-en-Burly et de Belleville et à l'ouest, la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, soit 8 réacteurs d'une puissance totale de 8.000 MégaWatts et dans un rayon de 70 km autour de chez nous ! Un peu plus loin, à 200 km, il y a également la centrale de Chinon et ses 4 réacteurs.

Toutes ces installations correspondent à 19% de la puissance électronucléaire française et elles sont situées au bord d'un fleuve dont le débit est historiquement bas.

Le refroidissement des installations

Le schéma ci-dessous montre (en vert) le circuit de refroidissement de centrales telles que celle de Dampierre. En fonctionnement normal, le prélèvement d'eau est de 2 à 3 m3/s.

Prélèvements et rejets d'une centrale nucléaire (source:EDF)

schema-refroidissement.JPG 

Même s'il est arrêté, un réacteur nécessite pour son refroidissement un débit compris entre 15 m3/h et 1 à 1,5 m3/s suivant les sources. En l'absence de ce refroidissement, le coeur entre en fusion. Après une seconde d'arrêt, une chaleur résiduelle de 190 MW doit être évacuée. Cette puissance considérable permet de porter une demi tonne d'eau à ébullition durant cette seconde !

Puissance_Thermique.jpg

Source: www.laradioactivite.com

Après une semaine d'arrêt, la puissance thermique à évacuer est encore d'environ 8 MW, ce qui correspond au besoin en chauffage et eau chaude sanitaire de 3500 logements.

Les seuils de débit de la Loire (Source):

60 m3/s: les 4 centrales doivent se coordonner pour ne pas rejeter leurs effluents radioactifs en même temps dans la rivière. Un « Comité de gestion de débits de crise » des lâchers d'eau par les barrages situés en amont. Par ailleurs, le préfet peut décider d’arrêter certaines activités pour préserver l’eau potable.

30 m3/s: Les centrales doivent stocker leurs effluents radioactifs dans des bâches et attendre que le fleuve se renfloue avant de pouvoir les rejeter. Un recours temporaire, qui leur permet de tenir plusieurs semaines. Mais si les stockages sont pleins, il faut arrêter les réacteurs. Cela n’est jamais arrivé jusqu’à présent, selon Rémy Smyslony, adjoint au chef de vision en charge du pôle REP à l’ASN d’Orléans.

15 m3/s: C’est le débit minimal qui permettrait de refroidir le cœur des 12 réacteurs des centrales de Loire en cas d’arrêt brutal.

Pour cette raison, il est légitime de s'interroger sur la sécurisation d'un tel système pour les années de très forte sécheresse, comme cette année 2011. Fin mai, le débit de la Loire, à Orléans, était 7 fois inférieur à la moyenne inter-annuelle (59 m3/s contre 425 en moyenne). A ce jour, le débit est passé sous la barre des 50 m3/s.

 

debit-loire.JPG

 

La température des rejets

Pour des raisons de survie des espèces et de préservation de la biodiversité, la température des fleuves ne doit pas dépasser un certain seuil (généralement 28°C). En période canicule (2003 par exemple) l'opérateur peut demander des dérogations en cas de nécessité publique. Entre la contrainte réglementaire et la réalité du terrain, il n'y a donc qu'un pas à franchir: la dérogation. Toute la question est de savoir à quel moment il s'agit de nécessité publique.

Résilience énergétique de la France

Je me suis déjà exprimé sur l'intérêt d'une relance d'un programme nucléaire en France. En cette période de sécheresse, c'est un des premiers arguments en faveur d'un tel programme qui ne tient plus. En effet, depuis quelques années, le climat est devenu la principale vitrine de la filière alors que l'on constate une vulnérabilité extrême aux évènements climatiques (inondation au Blayais lors de la tempête de 1999, problèmes de sécheresse, lignes THT aériennes vulnérables aux tempêtes et pluies verglaçantes ...).

Je m'inquiète donc à double titre. D'une part parce que mon lieu de vie est situé au coeur d'un bassin de production électronucléaire et que la gestion probabiliste de ces équipements ne peut me satisfaire pleinement (seuls les évènements les plus probables sont considérés). D'autre part parce que si les centrales doivent être arrêtées pour des raisons de sécurité, nous risquons de très gros problèmes énergétiques au niveau européen.

Bien évidemment, toutes les énergies ont leurs avantages et leur points faibles. Ce que je remarque, dans le cas de la France, c'est que 75% de notre électricité est produite par ces centrales nucléaires. Ce niveau de dépendance m'interroge au même titre que la dépendance totale au pétrole de notre système de transport.

La diversité étant un paramètre majeur de la résilience, la France n'est absolument pas résiliente, tant pour ses transports que pour son électricité. Faire reposer, très majoritairement, l'approvisionnement électrique sur une seule énergie dont on connaît les facteurs critiques et les vulnérabilités ne peut pas être durable et fiable.

C'est donc une nécessité vitale, dans les circonstances de changements profonds que nous sommes en train de vivre, que de diminuer considérablement notre dépendance au nucléaire. En Parallèle, nous devons réduire nos besoins énergétiques afin d'augmenter la résilience et l'autosuffisance locale.


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