Trouver l'équilibre entre transition positive et peur de l'effondrement

02 mars 2016

En ces temps particulièrement troublés, l'ancien monde s'effrite et la liste des constats alarmants est interminable...

Nous sommes incapables de réduire les émissions de gaz à effet de serre sans que la crise ne le fasse pour nous, le dérèglement climatique s'accélère et provoque des phénomènes extrêmes et imprévisibles, le bas prix du pétrole laisse croire à certains que le pic pétrolier n'est que vue de l'esprit, les gouvernements tournent le dos à la démocratie, usent de la stratégie du choc et se mettent au service des multinationales, la perte de biodiversité continue de s'accélérer à cause des activités humaines, les inégalités augmentent à un rythme scandaleux, les agriculteurs se suicident, lorsqu'ils ne meurent pas empoisonnés par les produits vendus par les industries semencières et pétrochimiques, les ventes d'armes explosent dans le monde (28 à 73 Md$ entre 2003 et 2012), etc.

Lorsque l'on observe chaque jour les convulsions des sociétés modernes - pourtant décrites et anticipées depuis des décennies- avec leur lot de violences et de dégradations, on peut sombrer dans une angoisse permanente et se demander "à quoi bon ?"

Copyright : Gilbert Garcin

Copyright : Gilbert Garcin

Au milieu de cette tourmente, le film "Demain" connait un incroyable succès avec plus de 750 000 spectateurs, soit plus que le film d'Al Gore "Une vérité qui dérange" (et c'est mérité). Cette œuvre positive et intelligente offre au public, pendant deux heures, un panorama des possibles, un éventail des souhaitables.

Un vrai régal pour le modeste acteur de la transition que je suis, de voir cet aperçu de ce qui existe, ces témoignages de précurseurs, ces actes qui donnent l'espoir. Car nous avons besoin d'alimenter cet espoir de vivre un jour sur une planète habitable, où les peuples vivraient librement et en harmonie avec la nature, s'organiseraient démocratiquement avec plus d'égalité, créeraient leur monnaie pour favoriser un développement soutenable, remplaceraient la surabondance matérielle par la surabondance de liens et d'entraide, produiraient leur alimentation sans chimie ni destruction des sols.

Ce qui me plait le plus, je crois, c'est de savoir que de nombreuses personnes auront découvert ces alternatives en allant simplement passer un bon moment au cinéma, qu'elles rentreront chez elles en se demandant peut-être si, après tout, elles ne pourraient pas faire grossir les rangs des citoyens en marche vers cette société nouvelle qui se dessine.

Trouver l'équilibre entre transition positive et peur de l'effondrement


Etre en transition, c'est sentir le pouvoir que nous avons de transformer ce qui nous entoure, c'est gagner en confiance en soi et sentir que l'on peut compter sur les autres, car il y a ce lien, cette conscience collective qui nous rassemble. Il me paraitrait insensé d'analyser et de décrire les réalités énergétiques, économiques et climatiques de ce monde, sans tenter moi-même d'infléchir le cours des choses. C'est ce que je fais chez moi, dans ma maison, ma ville, ma région, et c'est ce qui me permet d'atténuer la peur de voir nos sociétés basculer dans le chaos.

Car je crois que nous ne pourrons pas opérer une transition suffisamment radicale et ambitieuse pour éviter, à minima, quelques ruptures douloureuses. Notre société énergivore est organisée de telle manière qu'une décroissance en pente douce et régulière semble compromise, tant la résistance au changement est grande.

C'est le dilemme auquel les catastrophistes et collapsologues de tous poils sont confrontés: mettre toute son énergie dans la transition, tout en étant convaincu que les risques d'effondrement sont bien supérieurs aux possibilités de voir émerger un monde idéal tel que décrit précédemment.

Trouver l'équilibre entre transition positive et peur de l'effondrement


Le concept de résilience prend alors tout son sens !

Si l'on est persuadé qu'il faut changer les choses MAIS que de nombreuses perturbations risques de mettre les projets en échec, alors il faut que chaque petit changement mis en œuvre puisse rendre les communautés plus résilientes, plus adaptables, plus réactives.

On sera plus résilient si on a commencé à relocaliser que si on a juste commencé à changer le parc automobile,

On sera plus résilient si on n'a pas fait toutes les éoliennes que l'on voulait, que si on a des centrales nucléaires en chantier ou en état de délabrement,

On sera plus résilient si on a des millions de personnes dans les champs et sans tracteur, que si on a quelques exploitants avec des tracteurs, mais sans pétrole à mettre dedans,

On sera plus résilient si on connait les plantes médicinales qui peuvent pousser n'importe où, que si on compte uniquement sur les industries pharmaceutiques et pétrochimiques cotées en bourse,

On sera plus résilients à l'école, en cas de coupure de courant,  si on travaille avec des livres et des cahiers que si on travaille sur des tablettes,

On sera plus résilient si les citoyens prennent part à la vie de la collectivité, que si ils attendent tout des élus qui seront incapables de faire face, seuls, à ces ruptures que nous allons vivre, etc.

Pour ma part, je suis catastrophiste. Mais je suis un catastrophiste en chemin vers une société qui me parait juste et soutenable. Je suis persuadé que de nombreux obstacles se mettront sur ma route et celle de mes proches, mais je sais que tout ce que j'aurais pu faire pour nous rendre plus résilients, diminuera l'impact des chocs à venir. La transition est un remède, non seulement contre la catastrophe, mais aussi contre l'angoisse qu'elle peut générer !


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