Après avoir pensé un aménagement du territoire cohérent et efficace, il est urgent de créer ou réhabiliter un réseau de transport dont le maillage permettra à une majorité de citoyen, des villes comme des campagnes, d’avoir accès à la mobilité sans être dépendant du pétrole. Pour des distances inférieures à 5 km, l’usage de la force musculaire (vélo, marche, traction animale) est la plus appropriée et pour les distances supérieures à 50 km, l’accès à un réseau ferré ou à d’autres transports en commun est quasiment assuré. En revanche, dans la plage de distances intermédiaire le pétrole est roi.
Valorisation du transport doux
Le transport doux est le plus ancien et le plus naturel, car c’est celui qui utilise la force humaine ou éventuellement animale. La part du vélo et de la marche dans les déplacements urbains est croissante au cœur des grandes métropoles, mais en diminution dans les zones périurbaines. Le Pays-Bas est champion européen dans l’usage du vélo avec 26 % de tous les déplacements, 38 % pour le Grand Amsterdam et 50 % pour le centre ville*.
D’après les travaux de Frédéric Héran, Ce sont essentiellement trois facteurs qui déterminent la part du vélo dans les déplacements.
1/ Il faut absolument réduire l’usage de la voiture, car le marché des déplacements n’est pas extensible. Il faut ainsi contraindre son usage en zone urbaine par la mise en place de taxes, d’un plan de circulation défavorable, d’une réduction du nombre de places de stationnement et d’une augmentation de leur prix. Ce type de politique est généralement mal vu par les habitants, surtout les commerçants qui ont peur de voir leur chiffre d’affaire baisser. Cette peur est notamment justifiée pour les commerces « de passage », par exemple les boulangeries devant lesquelles on s’arrête rapidement pour acheter une baguette. Ça l’est beaucoup moins pour les autres commerces qui fonctionnent souvent mieux lorsque piétons et vélos ont le champ libre. Un compromis consiste à opérer un changement progressif avec des périodes de test : rendre une rue piétonne une fois par mois, changer le plan de circulation sur une période limitée, etc.
2 / La pratique de la bicyclette est très sensible aux conditions de sécurité routière et donc à l’emprise du trafic automobile, c’est pourquoi l’urbanisme doit être pensé dans ce sens. Cela passe par des aménagements spécifiques, des pistes cyclables bien conçues, des dispositifs de stationnement et contre le vol, des services de location et de réparation, une réduction de la vitesse des automobiles, etc.
3/ Enfin, puisqu’il n’est pas possible d’effectuer tous les déplacements à vélo, il faut que celui-ci puisse s’intégrer dans un système de transports associant marche, vélo et transports en commun. Ainsi, le Territoire de Belfort fait évoluer son réseau de manière à le rendre multimodal et très attractif au niveau du prix. Le réseau Optymo propose une offre « triple play » : bus + vélos en libre-service + voiture en libre-service. Pour le bus, le tarif unique est fixé à 0,8€ par trajet, il en coûte 0,02€ par minute de vélo ou 0,3€ par kilomètre de voiture, somme à laquelle il faut ajouter un forfait d’un euro par heure d’utilisation. De plus, le tarif social plafonne le coût total mensuel à 9€ par mois.
Le transport ferroviaire : meilleure alternative au pétrole ?
Depuis le milieu du XXème siècle, l’utilisation massive de l’automobile (et du transport routier en général) a progressivement conduit à la disparition de nombreuses infrastructures de transport ferroviaire. Pourtant, en termes d’efficacité, on estime que pour une puissance de moteur équivalente, le transport routier permet de transporter trois fois moins de marchandises que le transport ferroviaire et vingt-cinq fois moins que le transport par péniche. Si ce dernier n’est pas possible partout, le transport ferroviaire en revanche est adaptable à tous les terrains et tous les usages.
CarGoTram : transport de marchandise en centre-ville (Dresde-Allemagne)
Le Groupe Volkswagen décide en 1997 d’approvisionner son usine de Dresde, depuis le centre logistique situé à la gare de marchandises, à l’aide de deux CarGoTrams. Chacun peut transporter l’équivalent de 3 camions, soit un volume de 214m3 ou une masse de 60 tonnes, à une vitesse de 50km/h et sur un parcours de six kilomètres. Les CarGoTrams utilisent le réseau de tramway existant, ce qui permet de traverser aisément le centre-ville. Des itinéraires secondaires sont prévus en cas de problème de circulation.
Tram-train : le tramway qui se prenait pour un train (ou l’inverse)
Entre 1894 et 1936, l’Arpajonnais était un tramway qui faisait la jonction entre les halles de Paris et Arpajon, ville maraîchère située à 35 kilomètres du centre de la capitale française. En plus des passagers, il permettait d’emmener jusqu’à 25 000 tonnes de fruits et légumes par an au cœur de Paris. Cette solution qui combine ce que l’on appelle aujourd’hui le tram-fret (marchandise) et le tram-train (passagers), permet à la fois de circuler sur le réseau régional et de desservir les centres urbains.
En Espagne, la communauté valencienne a mis en service une ligne qui permet de relier Alicante et Denia (90 km) à la vitesse de 110 km/h, tout en desservant les centres urbains à la manière d’un tramway.
A l’échelle d’un bassin de vie, on pourrait voir renaître les Voies Ferrées d’Intérêt Local (VFIL), notion créée en France au milieu du XIXème siècle, qui permet de laisser une grande autonomie technique et financière qu’il faut encadrer pour préserver l’interopérabilité des réseaux. Ces nouvelles voies d’intérêt local côtoient les routes pour éviter les acquisitions foncières et de nouvelles artificialisations des terres agricoles. Cela permet également d’utiliser les mêmes ouvrages d’art tels que les ponts et les tunnels. Le matériel utilisé est plus léger et moins encombrant que les trains de grandes lignes, autorisant l’utilisation de motorisations moins puissantes, plus adaptées à l’utilisation de ressources énergétiques locales.
Le réseau départemental de Haute-Vienne était exemplaire à ce titre, puisque la seule centrale hydroélectrique de Bussy-Varache, d’une puissance de 1,75 MégaWatts (MW), permettait d’alimenter les 345 km de lignes autour de la ville de Limoges, entre 1908 et 1949. Le parc de 39 locomotives a permis de transporter jusqu’à 2,2 millions de personnes en 1938, avec un départ tous les vingt minutes entre 5h du matin et 21h.
Pour un territoire qui ne dispose pas de potentiel hydroélectrique, il « suffirait » par exemple de:
- deux éoliennes de 3MW
- une centrale à cogénération biogaz de 250 kW
- 2,8 MWc de panneaux photovoltaïques (10 000 panneaux environ)
... pour produire la même quantité d’électricité et alimenter ainsi tout un réseau local de transport sans dépendre du pétrole. A titre de comparaison, une seule locomotive de TGV requière une puissance électrique comprise entre 8,8 MW et 12,2 MW !
Le problème de la mobilité n’est donc pas une question de technologie, mais un choix politique avant tout. Préférons-nous faire Paris-Marseille en 3 heures, ou permettre à chaque français d’accéder au centre urbain le plus proche sans dépendre de sa voiture ? Certains répondront qu’il ne faut pas opposer les deux et qu’il y a une certaine complémentarité, mais malheureusement, l’un se fait aux dépends de l’autre et l’augmentation des LGV s’accompagne de fermetures de petites lignes locales considérées non rentables.
Le train à cet autre avantage qu’il permet beaucoup plus facilement de stocker l’énergie que les véhicules personnels. L’utilisation de l’air comprimé a d’ailleurs été longtemps mise en œuvre dans des transports en commun, avant de voir apparaitre des moteurs électriques beaucoup plus performants. La compression de l’air est un moyen de stocker une énergie mécanique (turbine de compression installée sur une chute d’eau) ou électrique grâce à un compresseur. Ces alternatives deviennent surtout intéressantes lorsque l’électrification des voies ferrées est trop coûteuse.
Tramway à air comprimé de La Rochelle en 1905. Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9hicule_%C3%A0_air_comprim%C3%A9