Dossier transports du futur - partie 3: remplir les véhicules !

23 janvier 2015

Continuons notre dossier sur les transports du futur, avec dans cette troisième partie, probablement le levier d'action le plus important et le moins coûteux pour diminuer la consommation d'hydrocarbures: le remplissage des véhicules. Il faut bien avoir conscience qu'un train vide est moins efficace énergétiquement qu’une voiture pleine ! C’est pourquoi le taux de remplissage des véhicules est le premier levier pour améliorer l’efficacité énergétique des transports.

Cette partie est la suite des partie 1 et partie 2 publiées il y a quelques semaines.

 

Transports collectifs gratuits ou très attractifs

La gratuité ou le très faible coût des transports publics peut provoquer un véritable bouleversement des habitudes de mobilité. Précisons qu’il s’agit de gratuité pour l’usager mais que la gratuité totale n’existe pas et que les frais doivent de toute façon être supportés par la collectivité.

Bus gratuit à Aubagne (France). Photo : Audrey Cerdan / Rue89

Bus gratuit à Aubagne (France). Photo : Audrey Cerdan / Rue89

Les sociétés privées en charge des réseaux sont souvent opposées à cette politique. Pour Dominique Gauthier, Directeur France de Veolia Transdev, « augmenter les tarifs est incontournable pour garantir la pérennité des transports publics ». C’est le chemin que prend la ville d’Hasselt en Belgique, pionnière de la gratuité depuis 1997, en mettant fin à cette pratique en 2013 pour des raisons d’équilibre budgétaire.

Mais ce cas particulier ne représente pas forcément la tendance actuelle, puisqu’au même moment, la ville de Tallinn, capitale de l’Estonie est devenue la première capitale européenne à instaurer la gratuité de ses transports publics. D’après le directeur du bureau de Tallinn pour l’Union Européenne, « la motivation découle d’une prise en considération soigneuse des implications budgétaires, mises en balance avec les avantages sociaux, environnementaux et budgétaires. (…) Nous stimulons réellement l’économie locale ».

En effet, les répercutions de la gratuité sur la vie du territoire vont bien au-delà des aspects budgétaires : droit au transport pour tous, augmentation de la fréquentation, amélioration de l’accessibilité, dynamisme économique local, baisse de la pollution urbaine, des émissions de GES et de la congestion du trafic. A Tallinn, il semble que les quartiers les plus modestes et éloignés du centre ville soient véritablement en voie de désenclavement.

La gratuité à Châteauroux a permis plus d’un doublement de la fréquentation du réseau de bus (voyages/hab/an) ainsi que le remplissage (nombre de voyageur/km)

La gratuité à Châteauroux a permis plus d’un doublement de la fréquentation du réseau de bus (voyages/hab/an) ainsi que le remplissage (nombre de voyageur/km)

Si une telle politique de déplacement provoque l’opposition d’une partie de la population et principalement des automobilistes, c’est notamment à cause du refus de payer le transport en commun par le biais des impôts. D'après une étude de l'ADETEC, bureau d'étude spécialisé dans les transports, ce positionnement est le plus souvent lié à une méconnaissance du déséquilibre qui existe actuellement car l’usager des transports publics est quasiment le seul à payer en tant qu’usager. Les automobilistes paient uniquement le stationnement en zone payante, alors qu’ils bénéficient d’un financement très important de la part de la collectivité.

Toujours selon cette étude, dans l’agglomération du Puy-en-Velay (France), en 2001, les dépenses publiques pour la voiture (voirie, stationnement, charges de personnel) ont représenté 390€ par habitant alors que les recettes s’élevaient à 14€ par habitant (stationnement payant pour l’essentiel). Le transport collectif, quant à lui, à coûté 30€ par habitant et les recettes (achat des billets et abonnements) représentaient environ 8€. Autrement dit, les usagers de la voiture contribuent seulement à hauteur de 3,5 % des dépenses qu’ils génèrent, alors que ceux du transport collectif y contribuent à hauteur de 25 %. Passer à la gratuité ne serait qu’un juste rééquilibrage, par une affectation supplémentaire de budget comprise entre 11 et 22€/an/habitant et celle-ci pourrait être assez facilement compensée par les diminutions de dépenses pour l’automobile.

Du côté des inconvénients, soulignons que le transport gratuit peut parfois remplacer la marche et le vélo, ou provoquer une surconsommation de mobilité chez certains utilisateurs. On a pu également constater une hausse du vandalisme, dont une bonne part peut être simplement attribuée à la hausse de fréquentation. Enfin, l’application de la gratuité dans les grandes agglomérations est plus difficile car les recettes commerciales y sont plus importantes et leur suppression plus difficile à compenser. Il faut donc arbitrer entre le risque d’abus et les avantages liés au changement des habitudes, c’est à dire à la fin du « tout voiture », tout en tenant compte du contexte précis du territoire.

Les infrastructures destinées à l'automobile sont très lourdes et payées par les impôts. Echangeur routier aux Etats-Unis. Source: www.alexmaclean.com

Les infrastructures destinées à l'automobile sont très lourdes et payées par les impôts. Echangeur routier aux Etats-Unis. Source: www.alexmaclean.com

Amélioration de l’offre

Diminuer le prix n’est pas le seul facteur de hausse de la fréquentation. A ce jour, l’expérience de Tallinn montre des résultats mitigés puisque la hausse de fréquentation attribuée à la gratuité n’est que de 1,2 % en une année, alors que sur la même durée, la fréquentation des transports de Châteauroux a augmenté de 42 %. Cela démontre que la gratuité n’est pas suffisante pour provoquer un changement des habitudes, notamment pour les populations qui ont les moyens de choisir leur mode de transport.

Il faut donc anticiper les attentes de la population afin d’agir sur deux autres facteurs : le temps de parcours et la qualité du service (confort, accueil, etc.). L’augmentation de la fréquence, du nombre d’arrêts et de zones desservies, de la plage horaire de fonctionnement, l’entretien des équipements sont des exemples de leviers sur lesquels il faut agir pour accompagner la baisse des prix ou la gratuité.

Enfin, lorsque l’offre de transports publics est adaptée, il faut la rendre plus attractive que la voiture en sensibilisant sur le coût réel de la voiture (coût de possession et d’utilisation) et en augmentant ce dernier au moyen de différents leviers : stationnements payants, hausse des tarifs et renforcement des contrôles, péage urbain. La hausse du prix du carburant (facteur externe) est également un très bon moyen de faire changer les habitudes.

Dossier transports du futur - partie 3: remplir les véhicules !

Mieux remplir les voitures

Dans certains cas, l’usage de la voiture reste pertinent sur le plan énergétique. Les zones rurales notamment ne sont pas toujours suffisamment denses pour permettre la rentabilité d’un bus et encore moins d’un train. De multiples initiatives existent désormais pour faciliter la mise en relation entre les personnes qui possèdent une voiture et celles qui ont besoin d’être transportée.

La pratique la plus utilisée actuellement est le covoiturage, grâce aux outils internet performants. Le covoiturage consiste à mettre en relation plusieurs personnes qui effectuent le même trajet, afin de leur permettre de le faire dans le même véhicule et de partager les frais. Cette pratique fonctionne particulièrement bien pour les longs trajets et pour les salariés d’une même entreprise.

En revanche, pour les trajets plus spontanés et de courte distance, le covoiturage est peu efficace, c’est pourquoi une autre formule est en train d’émerger : l’autostop organisé. Cette solution évite de devoir anticiper son voyage en contactant une autre personne et elle organise et sécurise la pratique de l’autostop. Il suffit de faire du stop sur des arrêts identifiés et sécurisés, il faut s’inscrire dans un lieu relais pour recevoir un « kit de mobilité » comprenant par exemple une carte d’utilisateur, un macaron pour la voiture et un panneau indiquant la destination pour les passagers. Le programme CIVITAS 2020, cofinancé par l’Union Européenne, permet de mettre en lien toutes ces initiatives destinées à améliorer le transport sur les territoires.

Arrêt sur le pouce. Source: www.ladepeche.fr

Arrêt sur le pouce. Source: www.ladepeche.fr

Mieux remplir les camions ou choisir des modes de transport plus adaptés

Les dimensions des camions de livraison sont inadaptées dans de nombreux cas. Les zones urbaines, déjà saturées de circulation, voient leurs rues bloquées par des véhicules presque vides et plus polluants que des véhicules légers. Les transporteurs travaillent pour optimiser leurs tournées, parfois avec l’aide de logiciels adaptés, mais ils doivent choisir entre la diminution du nombre de camions, du nombre de kilomètres parcourus, ou du délai de livraison.

L’analyse des flux locaux de marchandises et un travail coordonné avec les producteurs, les transporteurs, les distributeurs et les consommateurs, devraient permettre la mise en place d’une organisation plus efficace et plus adaptée aux besoins. La livraison à vélo, par exemple, se développe de plus en plus dans les grandes agglomérations. Plus réactif, moins cher, moins polluant, le vélo en zone urbaine offre de nombreux atouts qui se font de plus en plus remarquer, à l'image des déménageurs bretons à vélo.

Les déménageurs à vélo dans la ville de Rennes

Les déménageurs à vélo dans la ville de Rennes

Les possibilités sont nombreuses pour améliorer le remplissage des véhicules, quels qu'ils soient. Il est essentiel de chercher celles qui seront les plus adaptées au contexte local et ce, en amont de toute refonte du réseau de transport.


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